EN BREF
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La Science Based Target Initiative (SBTi), qui a été créée pour aider les entreprises à établir des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre conformes à la science climatique, se retrouve au cœur d’une polémique. Récemment, l’organisation a donné son feu vert à l’utilisation des crédits carbone pour compenser les émissions indirectes des entreprises. Cette décision, perçue comme un greenwashing, a suscité des critiques non seulement de la part des observateurs externes mais aussi de ses propres salariés, qui remettent en question l’intégrité et la rigueur scientifique de l’initiative. Les accusations de déviation des objectifs initiaux soulèvent des préoccupations sur la véritable volonté de la SBTi d’atteindre une transition écologique authentique.
La Science Based Target Initiative (SBTi), reconnue pour son rôle dans l’accompagnement des entreprises vers des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se retrouve aujourd’hui au centre d’une tempête médiatique pour des accusations de greenwashing. En effet, la récente décision de la SBTi d’autoriser l’utilisation de crédits carbone pour compenser les émissions indirectes, a suscité une levée de boucliers tant au sein des salariés que parmi les experts en climat. Cet article se penche sur les critiques qui fusent à l’égard de l’initiative, les implications de cette décision et la tension grandissante entre l’ambition éthique de la SBTi et les réalités du marché du carbone.
Origines et rôle de la Science Based Target Initiative
Créée en 2015, la Science Based Target Initiative a pour mission de fournir un cadre permettant aux entreprises de définir des objectifs cohérents avec les exigences scientifiques en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Son objectif est clair : contribuer à maintenir la hausse des températures mondiales en-dessous de 2°C, comme le stipule l’Accord de Paris, en se dirigeant idéalement vers un objectif de zéro émission nette d’ici 2050. À ce jour, la SBTi a validé les engagements de plus de 4 000 entreprises, de toutes tailles et secteurs.
Cependant, le succès de la SBTi est maintenant remis en question. Avec cette initiative, les entreprises s’engagent souvent à réduire leurs émissions de manière significative, mais il demeure un défi pour beaucoup d’entre elles de respecter ces engagements dans les délais définis, notamment en ce qui concerne les émissions de scope 3, qui englobent les émissions indirectes dans la chaîne de valeur. Ce contexte complexe a ouvert la voie à des choix controversés.
Les accusations de greenwashing : Un débat interne
Le 9 avril 2024, la SBTi a annoncé qu’elle permettrait désormais aux entreprises d’utiliser des crédits carbone pour atteindre leurs objectifs de réduction des émissions. Cette décision a provoqué une onde de choc et a entraîné des accusations de greenwashing, avivant des tensions internes. Des voix se sont élevées, y compris celles des salariés de l’organisation, exigeant des comptes et demandant la démission du PDG Luiz Fernando do Amaral pour avoir cédé à des pratiques jugées trompeuses. Les employés s’inquiètent que cette décision contredise les valeurs fondamentales de la SBTi, favorisant une approche basée sur des solutions simplistes plutôt que sur des engagements réels et des changements structurels dans le modèle économique des entreprises.
Les craintes face à l’impact sur la crédibilité scientifique
Les critiques pointent le doigt sur les conséquences scientifiques que cette nouvelle orientation pourrait engendrer. En permettant l’utilisation de crédits carbone, la SBTi semble réduire la pression sur les entreprises pour qu’elles réduisent réellement leurs émissions à la source. Cela soulève un questionnement fondamental : la comptabilisation des crédits carbone est-elle vraiment compatible avec des engagements basés sur la science? En effet, la compensation des émissions par des crédits pourrait donner l’illusion que les entreprises remplissent leurs engagements, alors qu’elles continuent à émettre des gaz à effet de serre à un rythme inquiétant.
Un choix controversé au regard du cadre théorique
Une des raisons pour lesquelles ce choix est contesté réside dans son impact sur la gouvernance environnementale. L’empreinte carbone est censée refléter les véritables émissions d’une entreprise. Toutefois, acheter des crédits carbone pour compenser ses émissions ne modifie en rien ces réalisations. Les entreprises continuent à générer des émissions avec une simple promesse d’achat futur d’un crédit carbone. Les défenseurs d’une approche plus rigoureuse soutiennent que cette méthode pourrait diminuer l’efficacité des engagements pris par les entreprises vis-à-vis de la transition écologique.
Des décisions contestées par la communauté scientifique
Un consensus est nécessaire au sein de la communauté scientifique pour s’accorder sur les méthodes à adopter et sur la manière de mesurer effectivement l’impact des projets de compensation carbone. Les commentaires émis par des experts indiquent qu’une tonne de CO2 évitée grâce à des crédits ne correspond pas à une tonne émise, remettant en cause l’efficacité de cette stratégie. De façon plus pragmatique, les entreprises pourraient être amenées à voir les crédits carbone non pas comme un outil source de changement, mais comme une sorte de permis d’émettre qui viendrait conforter un modèle économique soumis à peu de transformations.
Les implications pour le marché du carbone
Le rapprochement de la SBTi avec des acteurs historiques du marché de la compensation, comme la Voluntary Carbon Market Initiative (VCMI), pose également de sérieuses questions. En s’alignant sur cette approche, la SBTi pourrait contribuer à encourager un marché qui, selon certains, favorise la facilité au détriment de véritables efforts de décarbonation. Cette dynamique pourrait mener à un afflux de crédits de compensation qui ne garantissent pas la qualité ou la véracité des projets de séquestration.
Les répercussions sur les entreprises engagées
Face à cette nouvelle directive, les entreprises qui s’étaient engagées avec la SBTi se retrouvent dans une situation délicate. De nombreuses organisations voient déjà leurs efforts de réduction mis en péril par cette facilité qui pourrait favoriser des comportements passifs au détriment d’une profonde transformation de leurs opérations. Les attendant au tournant, les investisseurs et consommateurs doivent aussi s’interroger sur les impacts de ces nouveaux choix stratégiques sur la confiance dans les engagements environnementaux. Cela pourrait nuire à la réputation des entreprises qui pourraient vu leur labellisation critiquée.
Vers une redirection des efforts de décarbonation
La possibilité d’une réévaluation de la méthode employée par la SBTi pourrait, selon des experts, favoriser la mise en place de solutions plus intégrées et pertinentes pour faire face à la crise climatique. En effet, des initiatives comme la Net Zero Initiative cherchent à proposer des approches alternatives, centrées sur l’idée que chaque entreprise doit réellement contribuer à l’effort collectif plutôt qu’essayer de compenser ses émissions à l’aide de crédits carbone.
Les alternatives durables à la compensation carbone
Des solutions prônant une approche holistique des engagements de décarbonation apparaissent en réponse à la situation. Cela implique non seulement de réduire les émissions dans la chaîne de valeur, mais aussi de promouvoir des produits durables et d’améliorer les infrastructures. Ces alternatives mettent en lumière l’importance de la collaboration et de l’innovation de manière à rendre les produits et services véritablement compatibles avec les limites planétaires.
Perspectives d’avenir : Enjeux essentiels à considérer
Les critiques grandissantes autour de la SBTi mettent en lumière les enjeux essentiels qui doivent guider la construction d’un avenir durable. Il apparaît de plus en plus nécessaire d’instituer des mécanismes de transparence et de renforcement des normes dans le reporting environnemental. Cela inclut la nécessité d’aligner les stratégies des entreprises avec des mécanismes de financement qui soutiennent de manière authentique la transition écologique.
Le rôle des parties prenantes pour un changement durable
Face à cette crise ouverte, les parties prenantes, notamment les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les entreprises elles-mêmes, doivent s’impliquer activement pour faire évoluer le cadre normatif. La redéfinition des normes de comptabilité et des méthodes d’évaluation pourrait aider à renforcer les trois piliers de contribution à l’objectif de neutralité carbone : réduction des émissions, innovation et financement des projets de séquestration.
Conclusion provisoire : La SBTi à un tournant critique
Sous le poids des critiques et des accusations de greenwashing, la SBTi doit naviguer avec prudence dans ses choix stratégiques pour maintenir sa légitimité et son intégrité. La voie empruntée pour répondre à la crise climatique doit impérativement s’appuyer sur des décisions éclairées par les réalités scientifiques et économiques, s’éloignant des solutions opportunistes. Il est essentiel que cette initiative puisse redéfinir son approche pour continuer à influencer positivement le monde des affaires en matière d’engagement climatique.
Pour une analyse plus poussée, vous pouvez consulter les articles suivants :
La Science Based Target Initiative sous le feu des critiques
La Science Based Target Initiative (SBTi), fondée en 2015, se présente comme un acteur clé dans la lutte contre le changement climatique en aidant les entreprises à établir des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) conformes aux impératifs scientifiques. Cependant, sa récente décision d’accepter l’utilisation de crédits carbone pour compenser les émissions indirectes a suscité des inquiétudes croissantes et des accusations de greenwashing.
Des employés de la SBTi expriment leur frustration face à cette orientation, laissant entendre qu’elle contourne l’objectif initial d’exiger des réductions d’émissions réelles et tangibles. « En validant l’utilisation des crédits carbone, la SBTi envoie un message erroné : celui qu’il suffirait d’acheter des indulgences écologiques pour respecter les engagements climatiques », déclare un membre du personnel, qui insiste sur l’importance d’un changement structurel plutôt que d’une simple compensation.
Un autre employé souligne le décalage entre la mission de l’initiative et ses actions récentes : « Nous avons toujours défendu l’idée que la réduction d’émissions doit se faire à la source, au sein des chaînes de valeur. Cette décision nous éloigne de ce principe fondamental et remet en question la crédibilité de nos efforts », affirme-t-il, visiblement préoccupé par la direction prise par l’institution.
D’autres critiques s’élèvent quant à l’impact réel de l’acceptation des crédits carbone. « Compter des crédits comme des réductions d’émissions revient à ignorer le véritable défi que représentent les émissions scope 3. Si les entreprises se reposent sur ces crédits, cela peut nuire à la coopération nécessaire entre acteurs économiques pour réduire efficacement les émissions », indique une analyste en développement durable. Cette opinion est largement partagée parmi les experts qui estiment que la SBTi pourrait affaiblir son rôle en tant que leader dans la lutte climatique.
La décision du Board of Trustees de la SBTi provoque également une onde de choc dans le monde des affaires, où de nombreuses entreprises anticipent que cette validité des crédits pourra être perçue comme une échappatoire à leurs responsabilités environnementales. Des voix s’élèvent pour demander des mouvements plus audacieux qui vont au-delà de la simple comptabilité carbone. « La vague de soutien pour des actions plus véridiques et transparents est plus importante que jamais », conclut un spécialiste du climat, convaincu que cette crise pourrait en réalité agir comme un catalyseur pour des changements nécessaires dans la gouvernance environnementale des entreprises.